Travail de nuit : risque accru de cancer à cause "des perturbations majeures de l'horloge biologique"
Selon l'analyse de plusieurs études publiée lundi, le travail de nuit favorise l'apparition de cancers chez les femmes.
Le risque de cancer augmente de 19% pour les femmes travaillant de nuit pendant plusieurs années. C'est l'un des résultats du travail de chercheurs qui ont passé en revue 61 analyses portant sur 3,9 millions de personnes et plus de 100.000 patients. C'est pour le cancer de la peau que le risque est le plus important. Viennent ensuite les cancers du sein et ceux gastro-intestinaux. Les explications du Dr Arnaud Metlaine, médecin spécialiste du sommeil à l’Hôtel Dieu à Paris.
- Pourquoi le travail de nuit peut-il avoir un impact sur le risque de cancer ?
Dr A. Metlaine : "Chez les travailleurs de nuit, le sommeil est très impacté. La plupart des études ont montré que le travail de nuit entraîne une réduction du temps de sommeil d’au moins une ou deux heures. Mais ce n’est pas seulement la privation du temps total de sommeil qui va expliquer ce risque de cancer. Probablement, le risque de cancer est plutôt expliqué par ce qu’on appelle la désynchronisation. Ces travailleurs sont exposés à des perturbations majeures de leur horloge biologique. Ce qui va entraîner une perturbation de la sécrétion de la mélatonine. On a montré expérimentalement que la mélatonine était une hormone qui a des effets réducteurs sur la croissance des tumeurs. C'est clairement démontré chez l'animal. Les mécanismes de la désynchronisation associés à la perturbation de la structure et de la durée du sommeil peuvent entraîner une majoration de ce risque de cancers."
- L'étude porte uniquement sur les femmes. Le risque est-il le même pour les hommes ?
Dr A. Metlaine : "Pour les hommes, ça concernera bien entendu moins le cancer du sein. Cela va toucher d'autres cancers, comme celui de la prostate ou d'autres types de cancer comme des lymphomes, des cancers du sang… Mais, la plupart des études portent sur les femmes, principalement sur les infirmières. Dans cette étude, les infirmières ont été un sous-groupe étudié très précisément."
- Outre le risque accru de cancers, le travail de nuit a-t-il d'autres conséquences sur la santé ?
Dr A. Metlaine : "Dans une expertise collective de l’ANSES faite en 2016, on a montré que les troubles du sommeil, de la vigilance, les troubles métaboliques sont des risques avérés du travail de nuit. D’autres risques, comme l’obésité, peuvent être observés. Il y a aussi le risque accidentel, particulièrement en région parisienne ou dans les endroits où les travailleurs sont obligés d’utiliser leur véhicule. Les accidents de la route sont la première cause de mortalité au travail en France."
- Quels conseils peut-on donner aux travailleurs de nuit ?
Dr A. Metlaine : "Ils doivent d’abord prendre leur sommeil très au sérieux, c’est-à-dire de tenir compte de l’organisation de leur sommeil. Il faut dormir dans une chambre noire, veiller à ce qu’il y ait toujours cette alternance jour/nuit, même si elle est inversée pour les travailleurs de nuit fixes. Il faut avoir une durée de sommeil suffisante et raisonner en quantité de sommeil sur les 24 heures. L’utilisation de la sieste est importante. Après, il y a d’autres mesures… Pour faciliter le sommeil, on peut prendre une douche fraîche en fin de poste. L’activité physique est aussi importante. Toute la famille du travailleur doit être impliquée dans la bonne qualité du sommeil de celui qui va travailler de nuit. On coupe son téléphone portable. Et on ne s’expose pas à la lumière. La problématique principale, c’est cette surexposition à la lumière dans des périodes qui ne sont pas recommandées."