Fausse couche, un sujet encore trop tabou !
Selon une étude récente la fausse couche peut entraîner d'importantes séquelles psychologiques et même un syndrôme de stress post-traumatique. Des conséquences souvent liées au silence qui entoure encore cet événement.
Quel que soit l'âge, l'interruption d'une grossesse est souvent un moment difficile, surtout lorsque les couples restent seuls pour y faire face.
La fausse couche, c’est l’arrêt spontané de la grossesse.
- On parle de fausse couche précoce quand elle a lieu au cours du premier trimestre de grossesse.
- On parle de fausse couche tardive quand elle se produit au second trimestre.
Faire une fausse couche n’est pas rare dans la vie d’une femme
1 femme sur 4 fera une fausse couche au cours de sa vie, ce qui est beaucoup plus fréquent qu'on ne l'imagine.
- On estime que les fausses couches précoces concernent 10 à 15% des grossesses. Leur risque est surtout perçu pour les premières semaines, si bien que les femmes attendent souvent la fin du premier trimestre pour annoncer une grossesse.
- Les fausses couches tardives sont, elles, beaucoup plus rares : moins de 1% des grossesses.
Plus de fausses couches qu’avant ?
Il y a actuellement de plus en plus de grossesses dites tardives, c'est-à-dire après 35 ans. Or, à partir de cet âge, il y a environ 20% de risques de fausse couche. Sa principale cause est l'existence d'une anomalie chromosomique sur l’embryon, dont la fréquence augmente chez les femmes plus âgées.
Un autre facteur de risque est le recours à la Fécondation In Vitro.
Ce qui conduit aussi à augmenter le nombre de fausses couches identifiées, c'est la possibilité de savoir extrêmement tôt que l’on est enceinte, à l’aide d’un simple test, à peine quelques jours après la date où les règles auraient dû arriver. Avant, une femme pouvait faire une fausse couche très précoce sans le savoir, puisqu'elle n'avait pas conscience de sa grossesse...
Un événement qui reste toujours un tabou
Un véritable tabou persiste autour de la fausse couche. Elle relève de l’intime.. Parfois, les femmes n'ont même pas dit à leur entourage qu'elles essayaient d'avoir un enfant ce qui rend la communication plus difficile. Celles qui osent l'évoquer découvrent alors avec étonnement que beaucoup de proches ont été concernées...
C’est aussi un tabou dans le milieu professionnel. Quand on revient d’un arrêt maladie suite à une fausse couche, c’est très rare de le dire. Alors que si vous revenez après une gastro, une grippe, vous en parlez librement ! Mais les femmes ne souhaitent pas forcément que leur employeur sache qu’il y a un projet de grossesse en cours. Car cela peut être une cause de discrimination dans le milieu professionnel.
Un tabou au sein même du couple
Beaucoup de femmes se sentent très seules après une fausse couche : même au sein du couple, ça peut être très difficile d’en parler.
La grossesse est souvent plus concrète pour une femme, surtout dans le premier trimestre, elle peut déjà plus se projetter que son compagnon. Et la fausse couche entraîne parfois un sentiment de culpabilité. Qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce que je n’ai pas fait ? Qu’est-ce que j’aurais dû faire ? Alors qu’elles ne sont pas responsables. Tout ça peut être source d’incompréhension dans le couple.
La parole commence à se libérer sur cette épreuve
Grâce à des personnalités qui osent désormais s’exprimer sur ce sujet et briser le tabou de la fausse couche, la parole se libère petit à petit.
Par exemple Michelle Obama a évoqué sa fausse couche dans son livre de mémoires "Becoming" : "Une fausse couche est une expérience solitaire, douloureuse, et démoralisante. Quand vous en faites une, vous pourriez penser que c’est de votre faute, or ce n’est pas le cas".
Évidemment c’est aussi une épreuve qui peut être difficile à vivre pour le conjoint. En 2015, le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg a évoqué dans un message les trois fausses couches que son couple a surmonté : " C’est une expérience solitaire. La plupart des gens ne parlent pas des fausses couches (…) comme si nous étions défectueux ou coupables".
En 2013, la chanteuse Beyoncé a évoqué ses fausses couches dans un documentaire : "C’est la chose la plus douloureuse que je n’ai jamais vécue ".
Même si c’est fréquent, une fausse couche ce n'est pas anodin
Dans un service d’urgences gynécologiques, le corps médical en voit plusieurs fois par jour, c’est banal. Mais pour une femme, c’est un événement qui est un drame, que ce soit la première fausse couche ou pas, qu’elle soit précoce ou tardive.
Il y a plusieurs cas de figure :
- La grossesse s’interrompt toute seule, il y a des douleurs dans le bas ventre et des saignements. Si la fausse couche est très précoce, elle peut même passer inaperçue.
- Cela peut aussi être lors d’une échographie où le médecin annonce que le cœur ne bat pas ou ne bat plus. La prise d'un médicament peut-être nécessaire pour expulser l’embryon. Beaucoup de femmes ne sont pas informées ou pas suffisamment informées du fait que ça peut être très douloureux, avec des saignements très abondants. Ce qui peut être traumatisant.
- A un terme plus avancé, il faut une intervention chirurgicale au bloc opératoire, c’est ce qu’on appelle une aspiration ou un curetage selon le nombre de semaines. C’est sous anesthésie générale et cela nécessite une hospitalisation. Il y a souvent une attente qui peut durer plusieurs jours entre l’annonce de l’arrêt de la grossesse et la fausse couche en tant que telle. Ce délai peut être traumatisant, vous venez d’apprendre que le cœur ne bat pas, et que vous allez devoir attendre 15 jours pour avoir une place au bloc pour l’intervention. Vous allez rester 15 jours avec cet embryon sans vie, c’est un délai qui n’est pas rare du tout aujourd’hui. Et lorsque l’intervention arrive, vous êtes à la maternité au milieu de femmes qui accouchent... ce qui peut aussi être très difficile à vivre.
Ce qui ajoute encore de la difficulté à tout ça, c’est qu'il n'y a pas toujours d’explications. Les équipes médicales ne recherche la cause qu’en cas de fausses couches à répétitions.
La société minimise l’impact psychologique de la fausse couche
Une étude récente révèle qu’une femme peut souffrir de stress post-traumatique après une fausse couche. C’est une étude anglaise, qui a été publiée le 14 janvier dans l’American Journal of Obstetrics and Gynecology. Cette étude s’intéresse à l’impact psychologique des fausses couches précoces. On pourrait se dire que c’est quand même moins grave avant 3 mois qu’à 6 mois, mais il y a bien un impact psychologique y compris avec les fausses couches précoces.
Selon cette étude, près d’1 femme sur 3 ayant vécu une fausse couche avant 12 semaines de grossesse se trouverait dans un état de stress post-traumatique. Pour près d’1 femme sur 6, cet état de stress post-traumatique dure jusqu’à 9 mois.
Une meilleure prise en charge psychologique
Il faut vraiment améliorer l'information et la prise en charge.
- Mieux informer les femmes, les couples, sur les risques de fausse couche.
- Mieux former le personnel soignant pour faire l’annonce, qui peut être très froide, et proscrire certaines phrases comme "Ce n’est pas grave, ça arrive ", "Vous recommencerez ", "Il aurait pu être handicapé, c’est mieux pour vous ".
- Bien expliquer le déroulement et mieux accompagner les femmes pendant la fausse couche.
- Après la fausse couche, proposer systématiquement un soutien psychologique, favoriser la création de groupes de paroles.
Certains couples renoncent même à recommencer de peur de revivre une fausse couche. Il faut donc vraiment encourager les femmes et les hommes à en parler.