Covid : les pédiatres s'opposent à la fermeture des écoles
Les écoles doivent rester ouvertes même si un troisième confinement est annoncé, alertent les sociétés de pédiatrie. Elles s’inquiètent des effets délétères de l’isolement des enfants, déjà observés sur leur santé mentale.
Maintenir les écoles ouvertes, même en cas de reconfinement. C’est ce que demandent les sociétés savantes de pédiatrie dans un plaidoyer publié 25 janvier.
A l’origine de leur appel, un constat dramatique : alors qu’à cette période de l’année, les consultations et services d’urgence pédiatrique sont habituellement "surchargés d’enfants atteints de pathologies infectieuses", ils sont cette année surchargés "d’enfants maltraités". Des enfants anxieux, aux idées et/ou gestes noires voire suicidaires, "dès l’âge de huit ou dix ans", alerte le professeur Robert Cohen, pédiatre infectiologue, président du Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique (GPIP) au sein de la Société Française de Pédiatrie.
Une conséquence du confinement
"Un an après le début de la pandémie un paradoxe doit interpeller : alors que les enfants ne meurent pas du covid, un grand nombre est en grande souffrance psychologique et disent avoir envie de mourir" s’alarment les spécialistes.
C’est, pour ces médecins, une des conséquences du premier confinement pendant lequel les écoles avaient été fermées, et de l’isolement qui persiste depuis. Des "effets délétères indirects de la pandémie sur la santé mentale et sociale" qui risqueraient de s’aggraver encore si les écoles étaient à nouveau fermées.
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Pas ou peu de transmission dans les écoles
Pourtant, les études scientifiques le confirment : les écoles qui respectent des mesures sanitaires renforcées ne sont pas des lieux de propagation rapide du coronavirus.
Une méta-analyse des Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) publiée le 26 janvier dans le JAMA conclue par exemple qu’il existe "peu de preuves que les écoles ont contribué de manière significative à une augmentation des transmissions". De même, une étude parue également le 26 janvier dans la revue MMWR des CDC, montre que quand les mesures sanitaires sont respectées, le risque de transmission entre enfants ou entre enfants et adultes est plus faible dans les écoles qu’en dehors des écoles.
Renforcer l’hygiène, tester et alerter
Conclusion, "la balance bénéfice-risque apparaît à ce jour très en faveur du maintien de l’ouverture des écoles et des collectivités" écrivent les signataires du plaidoyer.
A condition d’y appliquer des règles sanitaires strictes. Renforcer l’hygiène, d’une part, en s’assurant que les masques soient correctement portés et les mains correctement lavées.
Éviter les mélanges des classes, ensuite, notamment à la cantine ou pendant les récréations.
Tester davantage et plus intelligemment, enfin, "avec un système d’alerte qui préviendrait l’école en cas de test positif" avance le professeur Cohen. "Ce système permettrait que les autres enfants de la classe soient testés, au même titre que les cas contact pour un adulte" précise-t-il.
"Vacances allongées" veut dire "privation scolaire"
Le pédiatre infectiologue balaie en revanche la proposition d’allonger les vacances scolaires, envisagée par le gouvernement. "L’idée est séduisante mais il n’y a plus de vacances au sens propre du terme. Plus de repos ni d’occasion de rencontres puisque tout est fermé" précise-t-il. "Il ne s’agirait donc pas de vacances allongées mais d’une privation scolaire."
"Les variants changent la donne"
Mais pourra-t-on toujours garder les écoles ouvertes quand le variant britannique ou sud-africain, plus transmissibles, gagneront du terrain ? "Ces variants changent indiscutablement la donne", reconnaît le professeur Cohen. Mais le gradient d’âge reste le même : "si les enfants sont deux fois moins contagieux, ils restent deux fois moins contagieux avec les nouveaux variants" explique le pédiatre infectiologue.
Plus de suicides que de covid chez les ados ?
Ce qui n’est potentiellement pas le cas avec les adolescents au collège et au lycée, plus contagieux et plus sensibles au virus à partir de 11 ans. "C’est d’ailleurs pour cela que l’enseignement hybride (alternance de cours en présentiel et en distanciel, ndlr) est déjà en place au lycée", rappelle le pédiatre.
Une forme de compromis, car "entre pas d’enseignement présentiel du tout et de l’enseignement présentiel un jour sur deux, psychologiquement, cela n’a rien à voir" explique Robert Cohen.
Si les pédiatres reconnaissent que les mesures sanitaires devront rester plus fortes au lycée qu’au primaire, ils restent aussi opposés à une fermeture totale de ces établissements. Car pour le professeur Cohen, le risque d’une telle décision serait d’"avoir chez les adolescents plus de morts par suicide que par covid, ce qui n’est pas acceptable".